Grandeur et intimité : incursion dans l’univers d’Astéria au Jardin VR du FME

Par Maude Labrecque-Denis

Maude Labrecque-Denis de la communauté Avantage numérique, avec la participation de Camille Barbotteau, Mavric Floquet, Hélène Théberge et Dominic Lafontaine

J’avance dans un long corridor en bois. Des sillons de lumière pénètrent la structure et tapissent mon chemin. Les planches entonnent en choeur un doux grincement; je les devine bercées par une force ambiante un peu mystique, sans doute le vent. À droite, des fissures entre les planches laissent entrevoir une vaste étendue d’un bleu éclatant. Eau et ciel se confondent dans une absence d’horizon qui annihile mes repères. Cette immensité m’absorbe. Je voudrais tendre la main pour la saisir, mais je n’ai pas de corps. Je suis une conscience qui flotte dans l’espace. À gauche, un total enfermement. Un mur rigide, sombre… serait-il infranchissable? Je veux découvrir ce qui se cache derrière. «There is a crack in everything », disait Léonard Cohen. Et je compte bien la trouver.

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Ainsi débute le voyage virtuel Astéria présenté en primeur au Jardin VR du FME du 3 au 5 septembre. Les studios montréalais Noisy Head Studio, La Fougue et La maison fauve proposent une expérience de réalité virtuelle hybride inspirée des univers musicaux de quatre artistes bien différents : la pianiste néo-classique Alexandra Stréliski, l’auteur-compositeur-interprète Vincent Vallières, l’artiste jazz’n’soulDominique Fils-Aimé et le rappeur Loud. Alors que le projet complet sera lancé au mois de novembre, les festivaliers du FME ont droit à un aperçu inédit composé de deux premiers tableaux qui font bel et bien voyager.

Vivre le piano avec Alexandra Stréliski

La musique d’Alexandra Stréliski est faite d’images qui se déploient dans une sonorité classique aux accents résolument modernes; elle nous enrobe et nous transporte aux confins d’espaces à la fois intérieurs et grandioses, nous portant à poser un regard élargi sur ce qui nous entoure, et profond sur nous-même. 

L’adaptation de cet univers au médium VR semblait ainsi, dès le départ, vouée à fonctionner. Et la proposition artistique de ce tableau d’Astéria ne déçoit pas. Les environnements magistraux en mettent plein la vue, si bien qu’il est impossible de les saisir entièrement à la première écoute. Lumières, perspectives, particules, textures, couleurs… les éléments s’imbriquent dans un monde qui impressionne par sa richesse, sa finition et sa profondeur. Le parcours nous mène au coeur même du piano, nous permettant de ressentir la puissance de cet instrument et d’en apprécier la chaleur mécanique, nous plaçant en état de symbiose avec lui. L’expérience réussit ainsi à transmettre ce lien vibrant entre le pianiste et son colossal instrument dans une adaptation tridimensionnelle de la musique qui utilise la technologie VR au service du propos artistique.

Vincent Vallières, dans le blanc des yeux

L’adaptation de l’univers de Vincent Vallières semblait à priori moins évidente. Pour cet artiste chez qui les mots résonnent comme un écho à l’âme, il fallait développer une formule intimiste qui perce la froideur de la virtualité. On se retrouve donc assis dans les premières rangées d’un magnifique théâtre, côte-à-côte avec Vincent (j’ai été assez proche de lui pour l’appeler par son prénom) qui nous parle dans le blanc des yeux de la création de sa dernière chanson. Tout au long de l’expérience, nous sommes le centre de l’attention. Les personnages nous regardent, l’action se déroule autour de nous, pour nous. C’est à la fois impressionnant et déstabilisant puisque ça tranche avec la position traditionnelle du spectateur, qui est d’ordinaire perdu dans une foule. En changeant cette perspective, Astéria propose une expérience de spectacle étonnamment personnelle et renouvelée, pleinement servie par le médium VR.

Tendre l’oreille pour aller plus loin

Dans l’expérience d’Alexandra Stréliski comme dans celle de Vincent Vallières, le son à 360 degrés (c’est-à-dire qu’il suit la position de la tête) devient un puissant moteur narratif qui raconte l’environnement par sa direction et sa texture. Il guide ainsi notre attention en suggérant des actions et des profondeurs parfois invisibles à l’oeil. Ce travail sonore est d’ailleurs une grande force d’immersion dans le projet et contribue à la qualification de cette expérience de « voyage » virtuel. 

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Bien qu’il présente un seul projet cette année, le Jardin VR du FME vaut pleinement le détour. D’une grande qualité technique, les expériences présentées sont accessibles et conviennent à un public de tous âges, en plus d’être une bonne occasion pour les personnes moins initiées de prendre contact avec le monde de la réalité virtuelle. On attend avec impatience la sortie complète d’Astéria en novembre, mais en attendant on profite des extraits offerts jusqu’à samedi 22h au 218 avenue Murdoch, à Rouyn-Noranda.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat entre La bouche croche – le blogue du FME, L’Indice bohémien – le journal culturel de l’Abitibi-Témiscamingue et la communauté Avantage numérique

http://indicebohemien.org/articles/2020/09/grandeur-et-intimite-incursion-dans-lunivers-dasteria-au-jardin-vr-du-fme#.X1PBRnlKjIU

UNE PANTHÈRE DANS L’ÉGLISE

Par ALEXIX LAPIERRE

Son album La nuit est une panthère a été lancé en 2018 et le microalbum (EP) Expansion Pack, un an plus tard. Dans la dernière année, Les Louanges s’est produit en spectacle partout au Québec, aux États-Unis et en Europe. Sa musique a été récompensée par de nombreux prix. Vincent Roberge (Les Louanges) revient d’un confinement où il dit avoir fait « sweet fuck all », un repos bien mérité après une dernière année aussi chargée. 

La machine est repartie en force pour le musicien qui s’est produit à Vancouver et au Festival Mural à Montréal la semaine passée. Un baume sur une série de spectacles qui sont tombés à l’eau avec le confinement, notamment son premier Métropolis (M Télus) en solo. 

Les Louanges s’est produit à Rouyn-Noranda pour une troisième année consécutive (une deuxième présence au FME). Avec des billets vendus en moins de cinq minutes cette année, on voit bien qu’une relation s’est installée entre Vincent et la ville du cuivre. D’ailleurs, Vincent ne cache pas l’amour qu’il porte à Richard Desjardins (qu’il remercie d’ailleurs sur son sur son album La nuit est une panthère). L’album Boom Boom a été pour lui une bougie d’allumage et une inspiration. Si les liens entre les textes des deux auteurs-compositeurs semblent assez ténus à première vue, on remarque des similitudes dans leur façon d’exprimer le quotidien. À bien y penser, le blues de banlieue de la chanson Tercel n’est pas si loin de la complainte abitibienne Et j’ai couché dans mon char

Le spectacle d’hier soir était pour plusieurs l’occasion de « se réintroduire en société » et c’est Les Louanges qui les a guidés. L’ambiance quelque peu austère des chaises distancées dans la vieille église qu’est l’Agora des Arts a été brisée dès la première minute par la sensualité et le groove habituel du groupe. Faute de pouvoir se déhancher sur une chaise, c’est Les Louanges, entouré de ses talentueux musiciens, qui s’est exécuté pour le public. D’ailleurs, on aurait peut-être aimé voir plus de performances solos de ses confrères, puisque personne n’a semblé rassasié par les voltiges du saxophone de Félix Petit, qui l’accompagnait. Les deux représentations de samedi auront donc donné un dur coup à l’isolement et la morosité laissés par un été « sans spectacle » et nous auront fait rêver quelques instants du jour où nous pourrons de nouveau nous entasser dans des salles pour danser sur la musique sensuelle de Les Louanges.

Crédit photo : Alexis Lapierre

http://indicebohemien.org/articles/2020/09/une-panthere-dans-leglise#.X1Pl2XlKjIU