Archives de catégorie : Joakim

Éloge de l’éphémère + Bye, là!

C’est déjà fini. On est arrivés au boutte de ces folles nuits. Pendant trois jours, moi, Rouyn et Noranda, on s’est promenés bras dessure bras dessoure, avec nos manteaux qui faisaient squish-squish et nos nez qui gelaient en un temps record (moins de 5 minutes). On s’est gavés effrontément, sans se gêner le moins du monde de bonne musique, de Boréales et de rontines. On a dansé collés, on a frappé dans nos mains en choeur et on a attendu longtemps en ligne pour faire pipi à l’Agora des arts. Mais voilà, c’est l’heure de paqueter ses p’tits. J’enlève mes combines et je remballe mon baluchon. Mon corps et mes cheveux d’entuquée accusent une légère fatigue, mais j’ai le cœur satisfait. Force est de constater que derrière ce qui est éphémère, tout comme dans ce qui est croche, il y a aussi beaucoup de poésie. Lorsque la durée est déterminée, quand on peut circonscrire un souvenir par deux parenthèses, quand celui-ci commence par une lettre majuscule et se termine par un point, ça se range beaucoup mieux dans la section « bon vieux temps » de notre mémoire.

Voici une liste non exhaustive des moments forts de mes premiers Quartiers d’hiver.

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La neige qui brille. Jeudi soir, il faisait pas froid à Rouyn-Noranda. Pendant un (bref, si bref) instant, je me suis dit que j’allais pas avoir besoin de revêtir autant de couches que prévues et que j’avais apporté trop de vêtements. Avant que le vent ne se lève et ne vienne chasser ces naïves pensées de mon esprit, j’ai tout de même eu le temps d’admirer la neige-paillette danser sous les lampadaires. Ce fut le premier spectacle auquel j’ai assisté. Et il fut magnifique.

Emilie & Ogden. J’avais hâte de la voir sur scène et je n’ai pas été déçue. Elle a donné le coup d’envoi à Quartiers d’hiver comme une vraie championne. J’ai un kick sur sa voix. À mon humble avis de semi-chanteuse, c’est elle, cette voix jazzy un brin cassante, qui volait la vedette, mais les musiciens qui l’accompagnaient étaient aussi fantastiques.

Porter des Dr Martens. Déambuler dans les rues de Rouyn sur de la neige bien tapée à -30 avec des Doc aux pieds, c’est, comment dire… un défi. Ou un jeu. Tout est une question de perspective. Ça glisse sur un moyen temps. Si on fait abstraction du réel danger de se péter la face, il y a quand même un bon côté à la non-adhérence. Pendant que toute mon attention était dirigée vers l’endroit où je posais mes pieds pour m’assurer de conserver une position verticale, j’en oubliais un peu le froid. Un peu.

Retrograde de James Blake par Groenland. Insérez un gros pouce bleu ici.

Fireworks. Ce sont les grands gagnants 2015 de la catégorie « découverte musicale en sols abitibiens ». Alléluia.

Des 2 $, ça colle sur la glace. C’est pas un moment fort, c’est juste un phénomène scientifique que j’ai pu observer en allant acheter un gin chaud et en déposant ma monnaie sur le bar en glace. J’étais ben impressionnée.

Pierre « Messmer » Kwenders. C’pas compliqué, le gars a séduit tout le monde, toutes identité et orientation sexuelles confondues. La vibe, les moves, les yeux, le look. Tous lui obéissaient au doigt et à l’oeil. Un empereur s’adressant à sa dévouée (PK) nation. Une grosse game de « Jean dit », mais une coche plus sexy et excitante. C’était fascinant. Inattendu, mais fascinant.

The Brooks. Un de ces moments magiques qui ne se produisent qu’au FME. Une connexion parfaite entre la foule et le band. De solides musiciens, du funk qui te fait bouger même contre ton gré, un jam qui s’étire avec un Julien Sagot qui monte sur la scène pour jouer de la cloche à vache.

Bye, là!

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Les tits à Bibi

L’Abitibi fut jadis une terre hostile où seuls de jeunes hommes en quête d’émotions fortes s’aventuraient. À la fin des années 1920, il fallait être un peu fou et particulièrement sensible à l’appât du gain pour faire le grand voyage vers ces terres que l’on qualifiait de « Klondike » québécois. Dans les mines, contrairement à la croyance populaire, y’avaient pas grand nains qui sifflotaient en travaillant. Non, Monsieur. Y’avait des hommes. Des « vras » hommes. Des hommes qui suaient gros pis qui avaient pas peur de se salir pour accomplir la besogne. Des hommes avec des « bras durs comme la roche, pis des cuisses comme des troncs d’âbe ».  C’parce qui avait pas de chain saw, tsé.

Quand on parle de l’Abitibi, on parle souvent des hommes qui l’ont construite et façonnée. N’en déplaise au bon Raoul Duguay, je pense qu’il est temps, aujourd’hui, de parler des femmes, aussi. J’trouve qu’on travaille ben fort et depuis longtemps à faire reluire la « bitt » à Tibi… Serait le temps qu’on s’occupe un peu des tits à Bibi. Non?

Je vous présente donc ici quelques portraits de femmes qui ont marqué – ou qui marquent encore-  la région, d’une façon ou d’une autre, à petite comme à grande échelle.

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Lise Pichette
Femme de théâtre et fondatrice du Cabaret de la dernière chance (1952-2014)

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http://www.lafrontiere.ca/2014/10/28/lise-pichette-sest-eteinte

Cet automne, Rouyn-Noranda a perdu une de ces grandes représentantes. Lise Pichette, décédée  en octobre dernier, était comédienne, cofondatrice et directrice artistique du Petit Théâtre du Vieux Noranda. Elle était aussi une des fondatrices du Cabaret de la dernière chance. Vous savez, cette salle où il fait si bon se retrouver et où vous allez vous rendre à plusieurs reprises pendant Quartiers d’hiver? Vous la devez entre autres à cette dame qui, tout au long de ses 40 ans de métier, s’est toujours fait un devoir de faire de l’Abitibi, un terreau fertile pour les arts et la culture. « Nous renonçons à l’exil, car nous croyons que chaque territoire a une parole et c’est ce qui nous lie » disait-elle. Sans des femmes comme Lise Pichette qui se sont battu dès les années 1970 pour faire valoir la place de la culture en région, il n’y aurait sans doute jamais eu de FME aujourd’hui. Qu’on se le dise.

Merci, Madame Pichette.

Jeanne Corbin
Militante du mouvement communiste  et ouvrier  (1906-1944)

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Si Jeanne Corbin était née en cette période d’austérité, elle aurait été sans doute été la première à crier aux inégalités et à jouer de la casserole. Jeanne Corbin a fait de la défense des droits des travailleuses et travailleurs du Canada le combat de sa vie.  À Montréal, elle fut organisatrice syndicale pour la Ligue d’Unité syndicale. À Timmins, en Ontario, elle travailla au magasin de la Coopérative ouvrière de l’Ontario et pris la défense des mineurs et des bûcherons. Mais, c’est en 1933, près de Rouyn, que Jeanne prouva à quel point son engagement pour la cause était profond. Elle participa activement à l’importante grève des bûcherons et encouragea les travailleurs à ne pas traverser les lignes de piquetage, ce qui lui valut une arrestation pour incitation à l’émeute. On l’enferma pendant trois mois.  Des femmes qui osaient ébranler le statu quo et l’ordre établi, y’en avait pas des mannes à l’époque. Jeanne Corbin, elle rockait la casbah sur un moyen temps. Rouyn lui doit une fière chandelle.

Pour en savoir plus sur Jeanne Corbin, lire Scènes de la vie en rouge, l’époque de Jeanne Corbin 1906-1944 d’Andrée Lévesque (Les éditions du remue-ménage, 1999).

Chantal Archambault
Auteure-compositrice-interprète originaire de Val d’Or

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Chantal, c’est comme du feu. Du feu qui réchauffe, mais qui brûle pas, par exemple. De sa voix scintillante, comme de la poudreuse sous les lampadaires, elle dépose délicatement ses chansons western-romantico-sexy dans le creux de ton oreille. Oui, Chantal me fait de l’effet. Si tu ne la connais pas encore, je vais laisser traîner ici une des mes chansons preférées. Et je vais aussi t’informer qu’en ce moment, elle travaille sur un nouveau projet, avec Michel-Olivier Gasse, dont on ne sait pour le moment pas grand-chose. On nous promet des nouvelles pour février. Ça s’appelle Saratoga, pis j’ai hâte en ta d’entendre ça. En attendant, tu peux toujours regarder le dernier clip de Mara Tremblay pour les voir tous deux patiner.

Marcelle Sweet
Enseignante  à la retraite, récipiendaire du Prix du Gouverneur général pour l’entraide en 2012

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Madame Sweet, en plus d’avoir le plus beau nom de famille du monde, est une femme qui a beaucoup fait pour l’éducation et la vie culturelle de Val d’Or. Madame Sweet a été enseignante, puis directrice de différentes écoles, dont Marie-Immaculée et Saint-Joseph. Elle a été la première femme de l’Abitibi-Témiscamingue à être élue au poste de commissaire d’école. Elle a aussi été membre du Conseil supérieur de l’Éducation. Madame Sweet est également membre des Amis du Conservatoire et présidente de la Société d’art lyrique de l’Abitibi-Témiscamingue. Elle a également enseigné l’anglais langue seconde à l’Université du Libre Savoir et animé des émissions pour les aînés à TVC-9 de Cablevision… Impressionnant parcours que celui de Madame Sweet.

Claudine Gagné
Agente aux communications et à la promotion pour le FME

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Je tenais à vous parler de Claudine Gagné, ma collègue, mon hôtesse pour le weekend, mais aussi mon amie, pour plein de raisons. D’abord, parce que c’est une fille vraiment cool : elle a le plus beau manteau d’eskimo de la région, les plus beaux cheveux blancs de jeune femme qui assume sa condition capillaire naturelle de la province, la plus belle garde-robe du pays et l’esprit le plus vite sur le calembour de la planète. Mais, au-delà de ses nombreuses qualités d’humaine, c’est aussi une Abitibienne qui est revenue à sa terre natale après un détour à Saint-Jérôme et Montréal. Et c’est ça qui la rend spéciale. Claudine fait partie de ces jeunes, femmes et hommes, qui mettent beaucoup de jus de bras à faire briller leur région parce qu’ils en sont fiers. En cette période austère où on menace de couper dans les instances qui rendent possible le développement local et régional (CRÉ, CLD, CJE, etc.) et la tenu d’événements comme le FME, je pense qu’il faut plus que jamais soutenir et applaudir les travailleurs de la région. Et à part de ça, prendre la décision de se chooper à 8 heures de la grand-ville alors qu’on aimait bien y vivre, ça prend du courage et de la passion. Faut plus de Claudine Gagné dans vie.